Jean-Christophe Frisch, Directeur et chef d’orchestre du Baroque Nomade nous parle de management lors du Forum de printemps de l’ICFF
En quoi la musique crée-t-elle du sens pour l’Humanité ?
Jean-Christophe Frisch parcourt le Monde depuis qu’il a créé XVIII-21 Le Baroque Nomade et se consacre aux échanges et rencontres des musiques baroques européennes avec les musiques traditionnelles. La puissante aventure musicale de ce chef est aussi une aventure humaine avec les musiciens, qui se transmet au public à travers l’émotion, et l’humanisme qui sous-tend chaque projet.
Une leçon d’histoire de la musique qui en dit long sur nos croyances
« Tous les musiciens du monde on la notion de la justesse (écoute, formation de l’oreille). Ils savent quand on joue juste ou faux. C’est universel car l’écoute d’un phénomène sonore est extrêmement riche. Un peu comme on sent qu’un acteur joue juste ou faux. D’une culture à l’autre, ce ne sont pas les mêmes critères qui font le « juste ». Mais, on est capable de reconnaître une mélodie partout dans le monde.
Un grand missionnaire européen arrive et chine et joue les grands chefs d’œuvre de Rameau et fait un bide total. Il ne comprend pas pourquoi les chinois n’apprécient pas cette musique supérieure à la leur. Il pense que c’est parce qu’ils sont sourds à cause de l’hiver très rude à cette époque.
Cette histoire nous questionne sur comment nous musiciens du 21ème siècle, allons-nous réagir aux autres musiques du monde : indienne, éthiopienne, chinoise, baroque etc.
Gaspard Da Cruz, marin portugais, s’est approché des côtes de Chine et a reçu à son bord des musiciens chinois qui ont fait des concerts. Il n’a pas été dérouté. Il décrit ce qu’il entend et domine la question. Il ramène la musique chinoise à un système de polyphonies européennes qu’il connaît, alors que la musique chinoise n’est pas polyphonique. Ses contemporains disent qu’il s’est trompé. Alors que ce n’est pas juste : il a analysé la musique chinoise avec ce qu’il connaissait.
Le recul peut faire douter du doute. A chaque période on peut analyser les choses différemment.Comme en science, chaque époque peut voir évoluer ses croyances.
Une leçon de management pour faire travailler ensemble des musiciens de culture différentes
Depuis janvier dernier, nous avons un projet de musique baroque à Tunis à l’époque de Louis XIV. Quels étaient les rapports trans méditerranéens avant la colonisation ? Nous avons eu beaucoup d’obstacles de la part des institutions tunisiennes qui ne voulaient pas qu’on remette en cause la « courte » période de colonisation par la France au Maghreb.
Dans la musique arabo andalouse, il y a des tonalités proches de la musique de Lully, hasard ou partition transportée à l’époque ? On joue des mélodies tunisiennes à l’occidentale du 17ème siècle, et les mélodies du 17ème avec la tonalité tunisienne.
Comment faire que tous ces musiciens travaillent ensemble ? Et mélangent les musiques ? Comment franchir les obstacles ?
- Il faut demander aux musiciens comment ils veulent faire et laisser émerger.
- Tu vas jouer la musique à ta façon et tu trouveras ta place
- Certains doivent être guidés plus précisément car ils ont peur de faire pas bien et de se tromper.
- Ensuite, faire le tri entre ce qui est prêt et pas prêt,
- Le chef d’orchestre prend la responsabilité du projet final.
Patience, l’autorité arbitraire ne marche pas et il faut savoir gérer l’angoisse du groupe. Le chef d’orchestre doit acquérir une confiance en soi pour se détendre. »
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