Dans le livre Le brown out – Quand le travail n’a plus aucun sens , le Dr Baumann explique de façon didactique comment se traduit une nouvelle souffrance au travail multiforme et paralysante.
« Le premier incident qui aurait dû m’alerter et me faire prendre mes jambes à mon cou, c’est quand mon supérieur hiérarchique m’a convoquée pour me faire part de son exaspération de voir les personnes de mon équipe « toujours souriantes » », dévoile Isabelle, qui a travaillé dans la grande distribution et traversé un « brown out » avant de se reconvertir. Après le célèbre burn-out, un trop-plein de boulot et de stress qui essore, son cousin le bore-out, cette maladie de l’ennui, les médecins se penchent plus récemment sur le « brown out » (chute de tension en anglais).
Qu’est ce que le « brown out » ?
« C’est une baisse de tension et d’attention au travail, une prise de conscience brutale de l’absurdité de son métier qui paralyse », résume François Baumann, auteur de Brown-out, quand le travail n’a plus aucun sens* .
Si les symptômes sont les mêmes que dans le burn-out et bore-out, la cause est différente : il s’agit d’une perte de sens, d’une déception, d’une désillusion. « Le brown-out chapeaute les deux autres pathologies, c’est plus philosophique, reprend le Dr Baumann. Et les conséquences de cette déclinaison plus récente de la souffrance au travail sont parfois plus graves, car c’est une remise en cause complète de la personne. »
Quels sont les risques pour la santé ?
Comme pour toute souffrance aiguë au travail, ces personnes risquent de tomber dans un état dépressif, allant du découragement à la dépression. « Le mot qui revient souvent dans la bouche de mes patients, c’est « vide », reprend le médecin. Toutes ces maladies en « out » rappellent bien qu’ils poussent vers la sortie… » Comprenez qu’ils risquent de mener au suicide.
Comment reconnaître le brown-out ?
Lassitude, manque de tonus, d’intérêt pour son métier, fatigue peuvent inquiéter. « Mais surtout quand ça se transforme en crises de larmes, en modification du caractère, insomnies », liste le spécialiste de la souffrance au travail. « Les premiers signes de mon malaise sont apparus rapidement : troubles de la digestion, atteintes dermatologiques, insomnies, perte de poids, vertiges, énumère Isabelle. Jusqu’en 2012 où je me suis effondrée chez moi un matin. C’est au Samu que j’ai compris la gravité de la situation : mon rythme cardiaque était complètement déréglé. J’ai passé trois mois en hospitalisation et en cure. Il m’a fallu une rechute pour comprendre que c’était à moi de prendre la fuite de cet environnement toxique. »
Un ras-le-bol radical à ne pas confondre avec un petit coup de mou. « A la différence d’une fatigue passagère, le brown out est une pathologie chronique, qui s’installe à bas bruit et va se manifester de façon brutale par une absence totale de réaction », reprend le médecin. Et qui s’étend à tous les domaines : loisirs, famille, amis. « A partir d’un manque de reconnaissance, d’une absence de motivation au travail, on se décourage pour le reste. Beaucoup de patients vivent d’ailleurs des ruptures familiales sans faire le lien avec leur souffrance au travail. » Et le sentiment d’être débordé, de ne pas trouver d’issue et une importance démesurée apportée au regard des autres peuvent également alerter.
Qui est touché ?
Il reste compliqué d’avoir des statistiques sur cette maladie récente. Mais ces pathologies modernes n’ont rien de rare : selon l’étude « L’engagement et l’espace de travail dans le monde » réalisée par Ipsos pour Steelcase en mars 2016, 54 % des Français se disent démotivés et désengagés au travail… Un symptôme préalable du brown-out. Depuis quelques années, on parle de ces «bullshit job», traduit en élégant « boulots à la con », particulièrement propices au manque de sens. Mais aucune profession n’est à l’abri.
Il n’y a pas que le trader encombré de chiffres et dénué d’éthique qui est susceptible de tomber dans le brown out. Marie peut en témoigner. Infirmière libérale pendant seize ans, ses désillusions ont eu raison de son entrain. «Mon travail ne semble pourtant pas dénué de sens : prendre soin des patients et de leur santé, seulement voilà, comme la plupart des soignants aujourd’hui, je suis écœurée de ce que le gouvernement et les « puissants » ont fait de mon métier. Comment trouver un sens à ce travail humain lorsque tous ces bureaucrates le transforment en usine à rendement ? » Colère contre les patients, découragement, manque d’envie, Marie décrit toutes les étapes qui l’ont conduite à prendre conscience de son malaise.
« Toutes les professions d’aide semblent à haut risque, car la quête de sens est importante, renchérit François Baumann. Ainsi, on imagine que le médecin va sauver des vies, le pompier aussi. En général, le bore-out guette davantage les métiers de secteur tertiaire et les fonctionnaires, quand on s’est lancé dans un métier par vocation, c’est le brown out le gros risque. »
Comment s’en sortir ?
Au-delà d’un arrêt de travail, d’une thérapie et d’antidépresseurs, les médecins invitent à s’interroger sur ses désirs, son métier, mais aussi l’organisation du travail (collègues, hiérarchie, rythme…). Après, prendre de grandes décisions peut se traduire par un changement de département au sein d’une même entreprise, de société ou même de métier. Marie, 37 ans, a choisi de laisser sa blouse d’infirmière pour devenir naturopathe. « J’ai retrouvé un sens dans mon métier, je me lève avec joie pour me rendre à mon cabinet, j’aime ce que je fais et je me sens enfin utile. » De même qu’Isabelle, qui a monté un cabinet de conseil en ressources humaines spécialisé en qualité de vie au travail. « L’épisode du brown out m’a beaucoup marquée mais, aujourd’hui, je pense qu’il m’a servi à définir ce que je veux vraiment faire de ma vie. La santé au travail n’est pas qu’une question de nombre d’heures passées au travail, mais bien de coût émotionnel provoqué par une dissonance entre son système de valeurs et celui du milieu dans lequel on évolue. »
Titre : Le Brown-out, quand le travail n’a plus aucun sens,
Auteur : François Baumann
Editions : Josette Lyon, janvier 2018,
Prix : 13 euros
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