Souffrance au travail et crise forment un cocktail dangereux: c’est en substance ce qu’ont souligné des experts lors d’une journée nationale de l’écoute organisée cette semaine à Paris par S.O.S Amitié, certains allant jusqu’à redouter un «pic de suicides».
L’ex-médecin urgentiste Philippe Rodet, aujourd’hui reconverti dans le conseil aux entreprises, s’est dit «assez inquiet, parce qu’on va avoir une intersection entre deux phénomènes pour la première fois à ma connaissance dans notre Histoire: deux crises qui vont se superposer».
Selon ce spécialiste du stress, une crise entraîne «une véritable souffrance» dont l’expression «est maximale trois ans après», ce qui a notamment été observé après la crise de 1929, avec des «pics de suicides en 1932». «En 2011, trois ans après 2008, on traverse une phase très difficile et il y a de nouveau une crise qui apparaît, et j’ai très peur de l’intersection de ces deux phénomènes», a-t-il averti. A titre d’exemple, en Grèce, pays qui subit la crise de plein fouet, le nombre de suicides a augmenté de 40% au premier semestre 2011 comparé aux six premiers mois de 2010, selon une étude du Lancet qui note une augmentation dans l’ensemble des pays d’Europe depuis 2008.
Le taux de suicide en France fait partie des plus élevés en Europe.
Tout en soulignant qu’il y a un «fort investissement des Français en entreprise», Jean-Claude Delgènes, directeur du cabinet Technologia, qui s’est notamment penché sur la vague de suicides à France Télécom, a relevé que le travail était «de plus en plus maltraitant, de plus en plus subi». Or, souligne l’expert, certaines entreprises jugent que la lutte contre les risques psychosociaux (stress, violences, suicides…) sont moins une priorité en temps de crise. M. Delgènes dit observer l’apparition de «suicides quasiment militants», en référence aux cas récents d’immolation et prévient en outre qu’«on va vers des homicides en entreprise». «Nous avons, dans notre cabinet, désarmé des gens en entreprise», assure-t-il.
Selon lui, la France a l’un des taux de suicide les plus élevés d’Europe avec quelque 10 500 cas par an, et 15 000, si l’on compte les suicides «maquillés». Mais, relève M. Delgènes, il n’existe pas de vrais outils statistiques pour travailler sur ces questions et il y a une «déficience au niveau des pouvoirs publics pour traiter ce problème qui roule en boule depuis des années». Dans cette optique, il a lancé un appel signé par de nombreuses personnalités (professionnels de santé, intellectuels, syndicalistes, etc.) pour créer un observatoire des suicides.
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