L’existence du coaching interne questionne, voire dérange les coachs « externes ». Quelle est leur place dans la profession ? Pourquoi y a t-il si peu de coachs internes membres des fédérations professionnelles ? Comment une entreprise peut-elle s’autoriser à éditer sa propre déontologie du coaching ? Comment coacher dans un système dont on fait partie ? Et de manière plus pragmatique : quels sont les axes de collaborations possibles entre les « internes » et les « externes » ? Un certain nombre de ces questions ont été abordées lors de la conférence – débat de l’Ifod le 21 septembre 2005.
Des difficultés spécifiques à considérer…
Pour Antoine Costes, ancien coach interne d’IBM, les spécificités de ce métier à l’interne sont multiples. Sur la base de son expérience, elles seraient plutôt vécues comme des difficultés :
– L’obligation de répondre à la demande de l’entreprise, sans possibilité, ou presque, de refus
– La pression de réussite ou la remise en question permanente de sa légitimité avec impossibilité de se refaire une « virginité » à chaque nouvelle mission
– Le manque de vision globale et systémique de son entreprise
A ces difficultés s’ajoute la question d’appartenance, qui en tout cas était celle, intime, que se posait Antoine Costes lorsqu’il était en poste : « Est-ce que j’appartiens au métier, ou à l’entreprise qui m’emploie ? »
… Et des complémentarités
Des différences entre le coaching interne et le coaching externe sont également à mettre en exergue. Toujours selon A. Costes, il semble que la plupart des demandes de l’entreprise concernent avant tout le travail avec les équipes. Ce n’est qu’après avoir organisé un séminaire que le manager fera, éventuellement, une demande de coaching personnel.
La demande suit plutôt le chemin inverse pour le coach externe, qui est appelé par le manager pour lui-même et passera ensuite au coaching de l’équipe si nécessaire. La place du coaching de la personne n’est donc pas forcément prépondérante pour le coach interne. Ce type de coaching individuel et notamment de résolution, ne va d’ailleurs pas sans poser des problèmes de positionnement presque inextricables : un manager demanda au coach de l’aider à penser la réorganisation de son service, service dont le coach lui-même faisait partie !
En conclusion, on peut dire qu’il y a d’une part, un coach qui est « dans le bouillon », de l’autre un coach très distant de l’entreprise et de ses problématiques. Ces deux positionnements semblent ouvrir des complémentarités de pratiques et de « supervision » mutuelle.
La confidentialité
Comment un coach, qui accompagne plusieurs managers de l’entreprise, voire ses dirigeants et qui de ce fait possède énormément d’informations parfois confidentielles, gère t-il ce « savoir » dans ses entretiens ? Il est certain que ses clients se demandent ce qu’il sait et ne sait pas, puisqu’il est le « confident » de tout le monde. Le fait d’être investi de ce savoir n’est pas neutre. Passer du sujet « supposé » savoir au sujet qui sait « certainement », influence forcément la relation coach-coaché. Le coach ne doit pas ignorer cet effet de son ombre sur son client et la traiter par des éléments de cadre. D’où l’intérêt de chartes de déontologie interne à l’entreprise.
Par ailleurs, un autre type de problème se pose au coach lorsque celui-ci « sait » réellement : comment garder la liberté de dire ? Comment ne pas s’empêtrer dans des conflits internes ? Il semble que le coach interne expérimente là des affres, inconnues des coachs externes, qui peuvent se traiter au travers de la supervision.
L’extériorité
L’extériorité désigne à la fois une attitude mentale et une situation physique. En tant qu’attitude mentale, elle est la capacité du coach à tenir une neutralité et une position extérieure aux problèmes qui se posent au coaché. Ce type d’extériorité est évidemment accessible sur un plan d’égalité aux coachs internes et externes.
Ce n’est pas le cas pour la situation « physique » du coach. Comme l’explique O. Devillard dans son livre « Coacher » : « Le coaching se caractérise aussi par la position externe du coach vis-à-vis de son client. […] Il tire avantage de sa position d’extériorité de plusieurs façons. » Parmi celles-ci retenons simplement qu’elle lui permet :
– d’avoir une vision globale du marché,
– de stimuler l’inspiration par le fait d’importer des références étrangères à l’entreprise dans laquelle il intervient ;
– d’être libéré de tout enjeu interne à l’entreprise
– d’avoir sur l’organisation une approche systémique dégagée de toute ambiguïté. Ce n’est pas le cas pour un coach interne, qui, par définition, fait partie du système. Etant à l’intérieur, il est susceptible d’avoir les mêmes points aveugles que le système qu’il considère et de ce fait, la « mise en perspective » sera difficile.
La connaissance de l’entreprise
A contrario, le fait d’appartenir à l’entreprise dans lequel il intervient offre au coach un avantage certain qui est de connaître tout du contexte et de la culture de celle-ci. On le sait, cette connaissance apparaît très souvent pour le client comme un avantage, voire une nécessité. Habitué aux usages et aux langages de ses coachés, il est vrai que la communication s’en trouvera facilité et que le sentiment d’être compris, pour le coaché, sera accru. Manque-t-il ce savoir au coach externe lorsqu’il intervient dans une entreprise dont il ne connaît rien ? La question mérite d’être posée…Et je me permettrais de donner mon point de vue : bien souvent, je me suis aperçu que je coachais nettement mieux dans les secteurs que je ne connaissais pas car n’ayant aucun a priori sur le système je pose des questions beaucoup plus « naïves » qui permettent une réflexion bien plus en profondeur.
Les axes de coopération
A priori, tout est possible en terme de coopération, pour les coachs externes et les coachs internes. Encore faut-il que les occasions se présentent. La possibilité de co-animer des séminaires ne semble pas poser de problème, non plus que l’intervention d’un coach externe pour des coachings individuels. Ces pratiques existent, et dans ce cas, le coach interne se fait prescripteur de coachs externes.
Néanmoins, il apparaît qu’il existe à ce jour peu d’expériences de travail mixte.
Recul, hauteur et distance
Coachs internes et coachs externes peuvent-ils se tenir la main ? Probablement moins « concurrents » que les coachs externes entre eux, les internes et les externes semblent avoir tout intérêt à conjuguer leurs complémentarités pour être encore plus pertinents et efficaces. Pour A. Costes, l’addition des avantages des deux positions permettrait d’obtenir ce judicieux mélange de « recul, de hauteur et de distance », qui ne serait pas possible séparément.
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