Les règles du jeu, un film sur le chômage des jeunes
Le scénario
Lolita n’aime pas sourire. Kévin ne sait pas se vendre. Hamid n’aime pas les chefs. Thierry parle wesh. Ils ont vingt ans. Ils sont sans diplôme. Ils cherchent du travail. Pendant six mois, les consultants d’un cabinet de placement vont leur enseigner le comportement et le langage qu’il faut avoir aujourd’hui pour décrocher un emploi.
A travers cet apprentissage, le film révèle l’absurdité de ces nouvelles règles du jeu. Recruteurs, consultants et coachs riront « jaune » de la présentation de leur métier et des règles qu’ils transmettent comme faisant partie intégrante de leur connaisance du marché du travail.. Une bonne façon de se questionner sur nos pratiques professionnelles.
Le chômage des jeunes
Selon une enquête récente du CEREQ (Centre d’études et de recherches sur les qualifications),en France un jeune sur cinq (22% exactement) est sans emploi trois ans après avoir quitté l’école.
Les plus diplômés s’insèrent professionnellement nettement plus facilement que les non diplômés:
– 88% des jeunes diplômés du supérieur long (BAC+5 et plus) travaillent
– 81% des jeunes diplômés du superieur court (BAC+4) travaillent
– seulement 41% des jeunes non diplômés travaillent
Ce qui revient à dire que 48% des jeunes non diplômés (ou avec seulement un bac pro) sont au chômage.
Quant aux 11% restant, ils sont «désintégrés» à savoir en dehors de tout système.
Par ailleurs, le chômage des jeunes non diplomés a augmenté de 16% entre 2004 et 2010.
Les réalisateurs répondent aux question de RCI.
Selon quels critères avez-vous choisi les personnes filmées ?
Patrice Chagnard. Il ne s’agit en aucune façon d’un échantillonnage sociologique. L’importance qu’a pris Lolita dans le film tient à elle, à ce qu’elle est intrinsèquement. Elle devient pour nous un personnage de cinéma parce qu’elle a un secret, une manière d’habiter son corps, une présence qui n’appartient qu’à elle. On est hors des schémas. Pour moi, la phrase la plus importante du film, c’est elle qui la prononce : « Une personne est une personne ».
Claudine Bories. A l’arrivée, dans le film il y a un jeune beur, un asiatique, un chti… mais ce n’est pas du tout ce qui a guidé notre choix.
Vous ignorez volontairement leur passé, leur vécu, leur milieu ?
PC Oui, tout ça reste délibérément hors champ. Ce qui nous intéresse c’est de les découvrir hors de leurs repères habituels, dans cette situation particulière du « coaching », confrontés au discours exigé par l’entreprise, contraints de se soumettre à ce rituel alors que ce qu’ils veulent, c’est juste être manutentionnaires ou commis de cuisine.
Quelle leçon tirez-vous du spectacle absurde que vous nous donnez à voir ?
CB. Les rituels de la préparation à l’embauche pour ces jeunes qui n’accéderont qu’à des emplois précaires et mal payés, c’est assez hallucinant. Il y a de la folie dans tout ça. A quoi bon cet enseignement, ces simulations, ces tests de comportements, cette intrusion dans l’intime, pour un emploi de trois mois à trois-quarts temps comme femme de ménage ? Compte tenu du nombre des candidats en concurrence et sachant que si l’une des postulantes a une licence elle décrochera le poste… même si elle passe moins bien la serpillière ! Ces gamins sont perdus parce qu’en plus de ne pas avoir de diplômes,
ils sont confrontés à un univers de plus en plus virtuel et mensonger, qui ne coïncide en rien avec leur vécu.
PC : Ce qu’ils ne comprennent pas, ce sont les raisons et les critères de cette sélection. Ils sont désemparés par ce qu’on leur demande.
Ces règles du jeu encouragent l’imposture : un comédien, un menteur décrochent plus facilement un poste.
CB :. On leur demande de dire quel est leur défaut ! A un moment du film, une conseillère vend la mèche. Elle explique à Lolita que si elle était face à un recruteur, elle se garderait bien de dire « c’est quoi son vrai défaut ». Une façon de lui souffler que ce n’est qu’un jeu. Mais pour Lolita comme pour les autres, c’est justement ça qui est insensé ! Ils n’envisagent pas un seul instant de mentir. Ils pensent qu’un mensonge les écarterait du poste, alors que c’est le contraire qui est la règle !
En salle depuis le 7 janvier
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